17 juillet 2021
En amont Bashung. Pour l’éternité. Osez. Ce n’est
En amont Bashung. Pour l’éternité.
Osez. Ce n’est pas incompatible avec ce qui suit. Trop sérieux s’abstenir.
« Je représente ceux qui utilisent leur cervelle à la détruire. »
Evangile selon Svinkels.
Psaume :
« Réveille le punk. »
Quand on a tout perdu, il ne reste que des maux. Et des mots.
Y a-t’il 11 vies chez un ornithorynque ? Punk forcément.
Hey Joséphine. Moi aussi j’ai deux Amours. L’une dans la peau. Un ornithorynque punk dessiné par ses soins, Gravé dans ma chair. L’autre dans le regard. Une ado, en garde alternée, qui veut trop vite se transformer en femme. Mieux. Les ai obtenues de la fille d’un curé. Non défroqué. Enfin, pas toujours. Puisque grâce à lui, le Seigneur dénombre cinq âmes supplémentaires sur sa liste d’attente. Un cureton séminal somme toute. Ça vous en bouche une plume Mme Baker ? Vos yeux en ont vu d’autres. Les miens également. Jusqu’à du Pastis pur injecté dans le blanc de l’œil à 8h du matin. Or, si Dieu existe, que cet Être soi-disant suprême nous (en) soit témoin. Nous savons vous et moi à quel point il est bon de bouffer la vie. De lui donner du goût. De la pimenter s’il le faut. Et pour cela, y’a de quoi faire. La nature ne manque pas de substantifique moelle pour pouvoir s’amuser. S’agit ensuite d’une question de goûts. Or, sur ce point, une différence nous distingue. Contrairement à vous, suis plutôt pomme, plus que banane. Adam et Eve ne s’y sont pas trompés, la Fameuse peut être aussi Belle et bonne, voire sacrément Coquette, sans être deux bouts simplement. Elle offre une bien plus généreuse surface pour être consommée. C’est précisément ce qui est bon. Mais sortir des sentiers battus ne plait pas forcément à tout le monde. D’ailleurs, le couple de la genèse en a fait les frais. Depuis, il n’est pas le seul à payer ses écarts de conduite. Nombre connaissent le prix d’avoir osé défier les règles. User d’artifices peut mettre le feu aux poudres. Que ces derniers soient en vente libre ou non, ils peuvent mener en enfer.
La preuve. Suis en train de crever. A petit feu. Victime d’une longue descente au plus profond des limbes. Une mort bien lente et viscérale. Qui bouffe les tripes à longueur de journée. Sans parler des nuits. Une agonie subtile. Pas liée à la maladie. Pas directement. Elle, elle vient plus tard, parmi les conséquences. Mais à la came. Ceci dit, pas comme on pourrait le penser. Même si oui, je suis pénitent, j’aime l’état second. Non. On parle ici de préjugés. De travail bâclé. Et d’une conjonction d’événements aussi improbables, qu’elle offre plus de chances de gagner au loto que de tirer au hasard le doigt d’un lépreux birman. Même en période de mousson. Quelque chose de l’ordre de l’irrationnel. De surréaliste. Que l’on en juge. Mélangez un dealer assassiné, un poste au Luxembourg, un cendrier de voiture vidé dans le caniveau. Vous obtenez sept ans d’erreur judiciaire. Douze si l’on compte le moment de la commission des faits et la date de jugement. Cinq entre le crime et la perquisition. A quoi s’ajoute une somme incalculable d’emmerdes, liées de près ou de loin à la situation. Bref, une équation à l’origine d’une véritable histoire de dingue. Digne d’un bouquin. Drogue, flics, sexe & rock’n’roll… ont toujours attiré le lecteur. Voici donc réunis tous les atouts d’un best-seller. Une touche à la Zola, en prime, pour le côté crasseux de l’injustice sociale. Mais rien d’un Agatha Christie. Hélas, si l’ensemble des commissariats de l’Hexagone ont bien leurs dix p’tits nègres au chaud dans une cellule froide, tous n’ont pas d’Hercule Poirot pour résoudre leurs enquêtes. Ballot, mais c’est comme ça.
6h du mat, j’ai des frissons.
La mienne débute (prend corps) à 6h du matin. Le 13 décembre 2011. Jusqu’ici, rien d’original. A poil, au sortir du lit, pendant que ma dame rêve, la flicaille investit la maison. En face, le SRPJ de Nancy, descendu spécialement pour l’occasion jusqu’en région lyonnaise. Périple accompli dans la nuit. Sacrebleu. Autant dire qu’il faut se lever très tôt pour rallier la préfecture de Meurthe et Moselle à la capitale des Gaules. Même sous les étoiles. Or, l’uniforme ne se semble guère apprécier de prendre la route le crépuscule passé. A voir sa mine défaite, il a besoin de sommeil. Les longs trajets nocturnes ne sont pas sans incidence sur l’humeur du képi. Ils le changent de couleur. C’est un doux euphémisme. Ils ouvrent la voix d’une palette de douceurs. Étonnamment sexistes même de la part d’une fliquette. On a me too pour les cochons. Pourtant, il n’y a pas que des porcs. Des truies aussi.
« Vous savez pourquoi nous sommes là ? »
« Pour la weed qui sèche à la cave j’imagine ». Un kilo tout de même. Dénuée de toute humidité. Prête à l’emploi. « Suivez-moi, je vous montre ».
Tel un tic, les menottes claquent. Le poulaga ressent le besoin d’en faire beaucoup, d’en rajouter des caisses. Il aime assoir son autorité. C’est la procédure. Inutile pourtant. Quoi de plus déstabilisant déjà que d’être tiré du lit par les services de police ? Que de se faire agiter sous le nez un mandat de perquisition ? Et que d’assister, impuissant, à une fouille en règle de son intimité ? Très pénible expérience. Surtout à tousser, tendu vers l’avant, un pied sur le tabouret. Contrôle à déconseiller fortement en présence des enfants.
« D’ailleurs, tu remarqueras qu’on a été sympas avec toi. Nous aurions pu venir pendant ta semaine de garde. Et mêler tes enfants à tout cela. » Sur ce point, merci messieurs dame.
Car la descente du limier à potron-minet est une épreuve dont on ne sort pas indemne. Elle fait jaillir le sentiment suffoquant d’être souillé. Violé. Humilié. Au plus profond de son être. Plaisir poussé jusqu’à son paroxysme, que de se retrouver là, comme ça, nu comme un vers, sous le regard inquisiteur d’un quartet d’inspecteurs qui n’en rate pas une miette... Encore jonché des affaires de la veille, le sol se dérobe. Un monde parallèle se met en place. Totalement illogique. La situation relève du rêve, pas du réel. Du cauchemar plus précisément. Ceci, alors qu’aucune raison objective ne semble justifier un tel déploiement d’as du gyrophare. Certes, il y a bien l’élevage de quelques plans de Marie-Jeanne. Mais ils n’arrivent même pas à la taille de Mimie Mathy. Donc totalement indétectables depuis la Lorraine. Aussi, pour être accueilli tel un Khaled Kelkal ou un frère Kouachi par des condés de la Place Stanislas, y’a forcément un truc. Grave. Un loup, un vrai, un vorace. Mais lequel ? Patience. Pour cuisiner, le poulet apprécie que ça mijote. En volutes, il saisit. Il sonde. Il écume. Il veut avoir la peau. Griller.
Mégot qui ne mégotte pas.
D’ailleurs, fumer tue. Sans aucun doute, c’est marqué sur le paquet. Mais pas toujours comme on le croit. La tige peut s’avérer bien plus perfide, capable de consumer une vie sans même une métastase. Comment ? Suffit d’un mégot. Un bête bout de clope, consommée du coin du bec, abandonné là où il ne fallait pas. Et la machine se met en branle. Celle d’un rouleau compresseur écrasant tout sur son passage. Monstre aussi dévastateur sur la destinée du fumeur que les effets de la nicotine sur son propre poumon. Il ratatine, salit, détruit, broie... sans même laisser le temps de tousser, ou de reprendre son souffle. Un cataclysme existentiel auquel on ne s’attend pas en vidant le cendrier. Même si ce dernier termine sa course dans le caniveau. Une catastrophe, certes inattendue, mais qui n’arrive pourtant pas là par hasard. Fruit d’une réflexion fameuse, pas d’une idée fumeuse, elle sert un scénario en or. Des desseins bigrement machiavéliques qui n’ont de fortuit que le choix de la victime sur qui ils vont s’abattre. A l’éternel jeu du chat et de la souri opposant flics et malandrins, certains ont toujours su faire preuve d’une imagination fertile pour éviter la taule. Dans le maquillage d’un crime, exit la parade des empreintes papillaires ou de la lettre de suicide contrefaite, désormais place à l’ADN pour piéger l’argousin. Priez pour que ce ne soit pas le vôtre. Sans quoi, direction la PJ. Voyage tous frais payés à bord d’une moustafette, l’Estafette new generation plus forcément remplie de gras moustachus mais toujours aussi cool, pour atterrir à l’Hôtel de police. QG d’hydre à quatre têtes qui va se mettre à vous bouffer la vôtre. Les joies de la garde à vue. Pour huit mégots seulement, retrouvés sur une scène de crime, assurément à vous. Ici, on ne parle pas de mort d’homme (même si cela aurait pu être le cas, ndlr) mais quand même des Assises. D’actes passibles de 20 ans. Un couperet. Aussi, que l’impénitent fumeur, aux habitudes antiécologiques, se ravise à deux fois. Jeter sa clope à la volée peut lui coûter très cher. Certains n‘attendent que ça. Le détournement à des fins criminelle est même devenu une mode, un procédé qui a le vent en poupe. Méfiance.
Coquin de sort. Dope à mines.
Métro, boulot, dodo, marmots… On peut se tuer à la tâche. Se démener pour que la vie s’écoule le plus paisiblement possible. Nul n’est à l’abris que tout s’écroule un jour. Il y a la maladie, la perte d’un être aimé, d’un boulot… et tout peut s’arrêter. Mais une simple broutille peut jouer les étincelles. Juste un mégot. Trouvé à deux endroits. A la fois chez un dealer assassiné qu’un receleur séquestré. Et tout de suite, ça en jette. Ça dresse un portrait qui suscite l’imagination. On pense immédiatement à du lourd. Du gars sérieux habitué des prétoires. Loin des petites escroqueries ou de vols de skateboard sur cul-de-jatte malvoyant. On parle bien de grand banditisme. On le pourrait pour moins. Les faits sont graves. Enlèvement, séquestration et vol aggravé avec arme. Là, sans nul doute, il y a du pedigree. C’est en tous cas ce que les gens pensent. Lardus en tête. « Il n’y a pas de fumée sans feu », se servent du vieil adage certains esprits chagrins. Les préjugés ont la peau dure et encore de beaux jours devant eux. Ils permettent de sacrés raccourcis. D’autant plus, dès lors que l’on touche à l’univers de la came. Dans ce domaine, pas besoin de grand-chose pour attiser le fantasme. Même rangé des voitures, l’amour des substances interdites rattrape toujours l’adepte un jour ou l’autre. Il le catalogue. Difficile, en effet, de convaincre le quidam moyen que l’usage de drogues ne marginalise pas systématiquement. Pire, que sa consommation, récréative ou non, ne transforme pas d’office en dangereux criminel. Si l’Etat détenait encore des fumeries d’opium au siècle dernier, aujourd’hui le cliché du toxico en quête d’une frêle Mamie pour lui tirer son sac, lui, n’est pas près de disparaître. Gare au consommateur de produits stupéfiants. Il pourrait être stupéfait par les effets secondaires. Ces derniers font voler en éclat toute crédibilité de celui qui en use. Compliqué alors de faire entendre sa voix, de défendre son honneur. Face à l’image simpliste encore véhiculée au sein de la société à l’égard du client de substances psychotropes, le risque est immense. Celui de tout perdre. Jusqu’à la liberté. Un seul grain de sable et voilà le départ d’une chute vertigineuse. Et nul besoin, pour cela, d’arborer un casier judiciaire long comme le bras. Même vierge, ce dernier n’épargne pas d’une faute de jugement, d’un acharnement policier, d’une mise en examen. Bienvenue au néophyte dans le Monde merveilleux de l’appareil judiciaire. De ses subtilités qui ne manquent pas de piment. Savez-vous ce qu’est une ordonnance de renvoi ? Et si cette dernière doit être signée ? Attention, l’apprentissage coûte cher. Ce n’est rien de le dire. Dorénavant, c’est du chacun pour soi, pour ne pas dire Dieu pour tous. Or dans ce cas précis, même l’ex-beau papa, à la soutane légère, ne peut faire de miracle. Prières de se débrouiller tout seul pour s’extirper des griffes du malin, de ce tour malicieux du destin.
Le baveux fait cracher.
Face au danger, l’Homme réagit comme il peut. Il n’est d’égos égaux. Fonction de moyens. Et des moyens, justement, il en faut pour surmonter pareille épreuve. En premier lieu pour assurer sa défense. Mais là, à moins de s’y connaitre, choisir un avocat relève de manière générale du grand jeu de la loterie. Un peu comme si Demis Roussos cherchait, les yeux bandés, des bandes épilatoires au cœur d’une immense parfumerie, façon Sephora, Nocibe, Marionnaud et consorts. Car au sein des barreaux, y’en a de toutes tailles, de couleurs et de prix des baveux. Faut même être un ténor pour être en mesure de tomber sur le bon. (Pénaliste, c’est un vrai métier.) Être bien informé. Réfléchir à deux fois. Et surtout détenir un épais portefeuille. S’enorgueillir d’être un téléspectateur assidu des émissions de faits divers n’est malheureusement pas suffisant pour sortir de l’ornière. Au contraire. Le fait d’y apprendre l’existence d’une association de défense d’erreurs judiciaires peut même conduire au piège. D’ailleurs, c’est fou ce qu’on est capable de croire et d’avaler lorsque les mots rassurent. A l’instar du P’tit Chaperon Rouge, rien n’est plus facile que de plonger dans la gueule du loup. D’autant plus si ce dernier est déguisé en robe noire. Moyennant honoraires, capables d’envoyer, pour un temps, une belle-mère à l’autre bout du monde, sans que celle-ci ne sourcille, il peut faire miroiter le meilleur. Alors qu’il s’assure du pire par la même occasion. Dès lors qu’on se retrouve au placard, la liberté n’a plus de prix. Tombé dans les affres, on est vite prêt à vendre père et mère pour sortir de zonzon. Certains avocats ont bien retenu la leçon. Plus le client est coincé, plus il crache au bassinet. Une méthode pour des robes et des sous en somme. Quatre-vingt mille euros quand même. Les économies d’une vie. Sans compter les à-côtés. Maison, mariage, santé, travail… tout est parti en fumée. Essayez donc de vous reconstruire après une telle dégringolade.
Faits par-ci, faits par-là.
C’est le but de ce livre. Exorciser. Raconter. Casser les préjugés. Alerter aussi. Se servir des mots pour qu’ils deviennent cathartiques, faire de l’écriture un combat. A la vie. Et pour l’honneur de mes filles.
Retour sur les faits. Nous sommes en Meurthe et Moselle, le 26 novembre 2006 au soir. Située à un jet de noyau de mirabelle de la frontière luxembourgeoise, dans un quartier pavillonnaire, une famille est sur le point de s’endormir. Un couple et ses deux marmots. Aux apparences lisses. Lui est pâtissier pour supermarchés du petit Grand-Duché. Elle, secrétaire au même pays des banquiers. Sur le papier, rien de clinquant. Pourtant, trois hommes font irruption. Ils cherchent de l’argent liquide. Beaucoup. 150 000 euros obtenus de la revente d’une cargaison de 25 tonnes de cigarettes volées. Bref, ils ne sont pas là par hasard. Surtout pas là pour rigoler. D’ailleurs, ils sont bien préparés. Ils connaissent la maison. Tout comme les habitudes de ses occupants sur le bout des doigts. Cagoules, serflex, gants, talkies-walkies… ils ont tout l’attirail pour débusquer le pactole. Surtout sans laisser de trace. Un vrai travail de pros, pas huns mais à deux pas des boches. Le premier individu reste à l’extérieur. Il est là pour faire le guet. L’enquête n’apportera guère plus de précisions. Un autre se charge de faire craquer le papa ligoté, sous un déluge de coups. A pieds joints. Pour qu’il ne puisse pas distinguer la forme de son visage, on lui braque une lampe torche dans les yeux. Et les questions fusent. « Où se trouve le coffre ? L’argent lié au trafic de shit ? Celui récupéré des tiges ? » Le troisième, lui, conduit femme et enfants à l’écart. Il les martyrise à l’étage. Ligotés sur le lit, la mère tente de rassurer ses gosses. En pleurs. Une nuit abominable. De brimades sans retenue. Jusqu’aux vomissements du bébé de quelques mois soumis à la violence des coups. Impuissante, la génitrice a les mains attachées dans le dos. Elle va assister à un défoulement d’ignominies. A n’en pas douter, ces gars-là sont déterminés. Ils hurlent, menacent la maman d’embarquer ses gosses en Belgique pour y être vendus si elle ne coopère pas. Pour faire craquer leurs souffre-douleurs, les assaillants annoncent la couleur. Ils connaissent les moindres et faits et gestes de la famille. De ses parents aussi. Adresse, déplacements, véhicules utilisés… ils savent tout. Voilà plusieurs jours qu’ils suivent la smala au grand complet. Sarcastiques, ils s’amusent même que madame soit sévère à l’égard de son mari. Mais les efforts ne payent pas toujours. Pas de butin à l’horizon. Personne ne craque. Il n’y a rien à rafler du magot tant convoité. Qu’importe. Le trio ne repart pas bredouille. Après une nuit d’enfer interminable, le coffre est vidé. L’Audi A6, obtenue en gage pour une embrouille peu glorieuse d’escroquerie au crédit, prend la tangente. CB et carnets de chèques s’envolent. Console Sega, tickets resto aussi. Plusieurs montres de prix se mettent à trotter. Même l’électroménager se fait la malle. Des amateurs de pâtisserie faut croire, des assidus de Top Chef. Mais pas que. De liquidité aussi. De retour sur la route, l’équipée multiplie les retraits. Un maximum de guichets automatiques alentours transfrontaliers voient rougir les cartes bleues. En toute discrétion. Pas une image de vidéo surveillance pour lever l’anonymat. Ces mecs savent rester incognitos. Même sur la bagnole, finalement abandonnée, aucune trace à relever. Si ce n’est peut-être des odeurs. Ils ne l’ont pas brûlée. Le bolide a fini sur le parking d’une grande surface luxembourgeoise, véritable carrefour géographique pour d’incessants flux de populations. Trois petits tours, et pis s’en vont. Un coup de maître, sacrément bien ficelé.
L’as des haines de l’ADN.
Or, qui peut vouloir s’en prendre à un truand chevronné ? A un aigrefin expert, receleur de voitures de haut vol, trafiquant présumé de haschich, membre d’une bande organisée depuis des lustres, au point de séquestrer sa famille ? Chérubins compris. Un autre truand, cela va de soi. Aucun doute là-dessus. Seuls des experts de la criminalité font preuve de pareilles méthodes. Filatures préalables. Repérages minutieux. Lettre de menace… Pour débarquer chez un Loulou au pedigree si costaud faut-il être sacrément burné. Réfléchi. Introduit aussi. On n’obtient pas certaines infos sur le rebord d’un zinc en échange d’une simple tournée de binouzes. Faut faire partie du milieu comme on dit. Quant à la technicité employée… pas de doute. Ce genre de zèle ne s’improvise pas. Qui, malgré le port de gants, essuie tout derrière son passage ? Nettoie la moindre chose qu’il vient de toucher ? Quelqu’un de rompu à l’exercice. A la limite du parano même. Une personne suffisamment préparée pour déposer à son départ, et bien en évidence, les marqueurs ADN d’un tiers en tous cas. D’ailleurs, les victimes en sont convaincues, elles connaissent leurs agresseurs. Ces derniers font partie du sérail. Très vite même, elles balancent d’anciens compères d’infractions, qui n’auraient visiblement pas apprécié d’être mis sur la touche. Des seules pistes exploitables du passage de ces derniers, on sait que l’un d’eux était grand, longiligne. Deux yeux bleu azur, surmontés d’une tignasse grise, trahie par quelques mèches dépassant de la cagoule. L’autre plus petit, de taille moyenne, aux cheveux brun frisés et à la corpulence bedonnante a laissé une image. Il est vêtu de sombre, d’habits de type treillis, et d’une paire de baskets qui ne manque pas d’air d’un Requin rouge. Voilà qui nique la concurrence. Il fume clope sur clope. Un véritable pompier. Les deux compères communiquent entre eux dans une langue étrangère, que les témoignages apparentent à de l’arabe. D’ailleurs le duo s’exprime avec un accent de cité à couper au couteau. Devant leurs victimes, les deux hommes se surnomment respectivement Evan et Nico. Des fans d’Amour, gloire & beauté sans doute. Ou des Marseillais à Cancun et de leur excellente maitrise du vocable français. Enfin, les deux hommes font preuve d’une parfaite aisance dans ces lieux. Un peu trop pointue même. Ils n’hésitent pas à entrer par la porte du garage, sujette de longue date à un défaut de fermeture. Mieux, ils savent que l’alarme de la maison n’est jamais activée. Pas besoin d’aller très loin. Le binôme correspond étrangement à de vieilles connaissances des victimes. Des personnes régulièrement invitées autour de la table du foyer et aux affaires qui s’y traitent. Bizarrement des loustics qui ne sont pas inconnus non plus des cellules individuelles. De centrales comme de Maisons d’arrêt. Sur ce point, les procès-verbaux sont très clairs. Les victimes y réitèrent leurs soupçons. De dépositions en dépositions, elles étayent leur argumentaire. Elles se sont faites niquer par d’autres partenaires de jeu. A sec et sans vaseline. Sans doute pour un vieux deal qui n’a jamais pu se faire. Reste-t ’il encore à le prouver. Les auteurs ont pris d’immenses précautions. De leurs agissements, ils n’ont laissé que huit mégots et une canette de soda. Le cylindre d’aluminium ne verse aucun indice. Pas une goutte exploitable. Les bouts de tiges, eux, portent en revanche de l’ADN. Le mien. Et celui d’un illustre inconnu. Un personnage incognito qui le reste encore aujourd’hui. Chapeau bas pour le tour de passe-passe.
Mélodie de désaccords.
De leur départ, seuls trainent des morceaux de cibiches ostensiblement déposés à un seul et même endroit. Voilà la version officielle. Malgré des PV divergents cela dit. Une fois devant la porte d’entrée. Une autre dans le salon. La troisième dans la cuisine. Pas une constatation ne s’accorde avec ses congénères. De relevés en relevés, les conclusions divergent. A chaque OPJ sa version. A croire qu’on ne parle pas du même crime. De quoi penser que tous ces officiers de police judiciaire n’ont pas excellé aux épreuves de sélection. Pire. Qu’ils n’ont pas leur place dans un Georges Simenon. Aucun n’accouche d’un rapport identique. Personne ne juge utile de prendre des photos, d’immortaliser les circonstances. Pourquoi se faire chier quand on tient l’ADN ? Effectivement, un ou deux prélèvements pourraient démasquer un manque de discernement. Ils apporteraient la preuve patente d’un oubli, la marque d’une précipitation. Mais qui abandonne ses mégots au rez-de-chaussée après avoir fumé toute une nuit à l’étage ? Cela relève du fait exprès, d’un acte voulu. Pour tromper les soupçons ? La pratique est désormais courante dans le milieu du grand banditisme. Mais elle ne fait toujours pas tilt chez la magistrature. Aujourd’hui considérée reine des preuves, l’acide désoxyribonucléique n’est pourtant pas un gage de culpabilité. Au même titre que les empreintes digitales ou palmaires, ce marqueur génétique peut servir à tricher. Ça, certains margoulins l’ont bien compris. Le génome garni désormais les moyens mis à la disposition de malfrats judicieux pour orienter police et magistrats dans une fausse direction. Un outil supplémentaire rentré au paradigme des accessoires utiles à la commission du crime parfait. Méthode déjà bien installée dans les mœurs des bandits de grands chemins. Mais une pilule qui semble pourtant encore avoir du mal à passer auprès de l’appareil judiciaire. Ce dernier affiche même des portugaises sacrément ensablées face à une pareille idée. N’hésitez plus. Commettez un enlèvement. Séquestrez vos victimes. Puis disposez en partant, bien en évidence, 8 mégots ramassés au hasard dans la rue. Et vous voilà sortis d’affaire. CQFD. Ce qu’il ne faut pas développer en ingéniosité pour échapper à la sentence ? Celle-là, vous la laissez à d’autres. Bien vu. Pas vu, pas pris, pas d’emmerde. Quant au propriétaire des bouts de clopes déposés à desseins, en revanche, sonne pour lui le début du déluge. Qu’il soit connu ou non des services de police. Suffit pour cela d’un improbable concours de circonstances.
La suite au prochain épisode. Je compte sur votre franchise.